Le tribunal annule la déclaration d'utilité publique du projet de campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord

Décision de justice
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Au regard du caractère essentiel, s’agissant d’un projet hospitalier, de la préservation du droit fondamental à la protection de la santé, le tribunal a considéré que les inconvénients de l’opération l’emportaient sur ses avantages et annule donc la déclaration d'utilité publique du préfet de la Seine-Saint-Denis..

Le syndicat Sud Santé Solidaires des personnes de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et plusieurs autres requérants ont contesté devant le tribunal administratif de Montreuil l’arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré d’utilité publique le projet de réalisation du campus hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord (CHUGPN). Celui-ci prévoit de regrouper sur un même site une structure hospitalière rassemblant les activités médicales et chirurgicales des hôpitaux Bichat (Paris 18è) et Beaujon (Clichy) et une structure universitaire comportant notamment les activités de recherche et de formation en médecine de l’université Paris cité.

Le tribunal a d’abord relevé que le dossier soumis à enquête publique ne comportait pas, s’agissant du volet hospitalier, le rapport de contre-expertise et l’avis du Secrétaire général pour l’investissement dont l’objet est de valider, éventuellement en les actualisant, les hypothèses de l’évaluation socio-économique des coûts et bénéfices pouvant être attendus du projet, et d’évaluer la pertinence de ses méthodes et de ses résultats. Au regard de l’importance de ces documents, dont la teneur n’était mentionnée par aucun autre élément du dossier, le tribunal a estimé que cette lacune a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et a, par suite, vicié la procédure d’adoption de l’arrêté du 14 mars 2022.

Le tribunal s’est ensuite penché sur le bilan de l’opération, en suivant la méthode en trois temps définie par la jurisprudence : l’opération répond-elle à une finalité d’intérêt général ? Aurait-elle pu être réalisée sans recourir à l’expropriation ? Ses inconvénients ne sont-ils pas excessifs au regard de son intérêt ?

Le tribunal a, dans un premier temps, reconnu la finalité d’intérêt général de l’opération. En effet, celle-ci a pour objet de rééquilibrer l’offre de soins au profit du Nord de Paris et de réduire ainsi les inégalités sociales et territoriales de santé ; elle procède à une modernisation des structures médicales et de recherche qui seront installées dans des locaux neufs et fonctionnels permettant une meilleure prise en charge des patients et favorisant le progrès médical ; enfin, l’implantation de ce campus hospitalier à Saint-Ouen concourra à l’essor économique et au rayonnement de ce territoire.

Le tribunal a, dans un deuxième temps, noté que l’administration ne peut pas réaliser cette opération sans recourir à l’expropriation. En particulier, une rénovation des hôpitaux Bichat et Beaujon ne permettrait pas de parvenir à des objectifs comparables à ceux de l’opération de réalisation du CHUGPN.

Dans un troisième temps, le tribunal s’est penché sur les inconvénients éventuels du projet. Il a constaté que les atteintes à la propriété étaient limitées et que son coût était évalué, en juillet 2021, à 900 millions d’euros. Il a ensuite étudié l’effet social de l’opération, qui était au centre de l’argumentation des requérants, à savoir le remplacement de l’offre de soins existant dans les hôpitaux Bichat et Beaujon par celle proposée par le nouveau CHUPGN.

Le tribunal a relevé que l’opération conduisait à diminuer, à périmètre constant, le nombre de lits d’hospitalisation de 1131 à 941, le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173 et le nombre de naissance pouvant être accueillies de 3238 à 2000. Selon l’AP-HP, le niveau des soins, en qualité et en quantité, était toutefois au moins maintenu grâce à la prévision de 150 lits hôteliers à proximité du CHUGPN et de 96 lits dédoublables, à une amélioration du taux de rotation en ambulatoire (de 1 à 1,3) et à la possibilité d’orienter certaines parturientes vers d’autres maternités d’Ile-de-France, région marquée par une diminution de la natalité. Le tribunal a toutefois estimé que ces alternatives ou complémentarités n’étaient pas prévues ou justifiées avec suffisamment de précision. Il a notamment constaté qu’aucune disposition n’était envisagée pour assurer la prise en charge au sein de l’hôpital des patients hébergés à l’hôtel, que l’amélioration du taux de rotation en ambulatoire n’était étayée par aucun élément crédible et que les modalités de coopération entre les maternités de la région n’étaient pas clairement définies, alors que le nombre d’accouchements a augmenté régulièrement en Seine-Saint-Denis au cours des six dernières années.

Le tribunal a déduit de ces éléments que l’opération, dont la configuration ne permet pas des évolutions futures, conduisait à une diminution non compensée de l’offre de soins dans un territoire souffrant déjà d’importantes inégalités de santé et d’un accès à la médecine libérale inférieur à la moyenne nationale.

Au regard du caractère essentiel, s’agissant d’un projet hospitalier, de la préservation du droit fondamental à la protection de la santé, le tribunal a considéré que les inconvénients de l’opération l’emportaient sur ses avantages.

Pour ces deux motifs, le tribunal a annulé l’arrêté du 14 mars 2022.

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Contact presse

Stéphanie SÉGUÉLA - 01 49 20 20 06

communication.ta-montreuil@juradm.fr