Le tribunal laisse un délai d’un mois au préfet pour l’éclairer sur les procédures alternatives pouvant être mises en œuvre.
Plusieurs associations, dont la Cimade, le Syndicat des avocats de France, la Ligue des droits de l’homme, le Secours Catholique, le GISTI et l’Association des avocats pour la défense des droits des étrangers, ont contesté devant le tribunal administratif de Montreuil le système de plateformes dématérialisées mis en œuvre par la préfecture de la Seine-Saint-Denis.
Depuis 2016, les étrangers du département sont en effet tenus de prendre rendez-vous sur ces modules en ligne afin de demander un titre de séjour et la naturalisation.
La dématérialisation de l’accès au guichet est source de nombreuses difficultés pour les ressortissants étrangers de Seine-Saint-Denis qui, confrontés à l’absence de rendez-vous disponible sur le site internet de la préfecture, saisissent le juge du référé du tribunal administratif.
Le tribunal a, dans un premier temps, par un jugement du 25 février 2022, saisi le Conseil d’Etat d’une demande d’avis afin de déterminer si ces plateformes dématérialisées constituaient une simple modalité d’organisation de l’accueil du public en préfecture, une sorte de « distributeur dématérialisé de tickets », ou des téléservices proprement dits.
Un décret du 24 mars 2021 et un arrêté du 27 avril 2021 ont en effet, dans le cadre du programme administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), permis aux préfets de dématérialiser certaines procédures de demandes de titres de séjour au moyen de téléservices.
Par un avis rendu le 3 juin 2022, le Conseil d’Etat a confirmé qu’il s’agissait de téléservices et précisé que les préfets peuvent mettre en place de telles plateformes dématérialisées de prise de rendez-vous et de dépôt de pièces. Leur usage ne peut toutefois pas être rendu obligatoire en dehors du programme ANEF, c’est-à-dire des catégories de titres de séjour figurant sur une liste déterminée par le ministre chargé de l’immigration, soit en l’état actuel du droit les visas de long séjour, les titres de séjour étudiant, visiteurs, et les passeports talents. Par une décision du même jour, le Conseil d’Etat a en outre enjoint au Gouvernement de compléter le décret du 24 mars 2021 pour prévoir des solutions de substitution pour permettre aux personnes qui ne sont pas en mesure d’effectuer elles-mêmes le dépôt en ligne de leur demande de bénéficier d’un accueil et d’un accompagnement.
Par son jugement lu aujourd’hui, 6 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a tiré les conséquences des décisions du Conseil d’Etat.
Il constate ainsi que le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait certes créer des téléservices, mais ne pouvait légalement imposer leur emploi pour l’ensemble des demandes de titres de séjour et les naturalisations. Le tribunal annule, par conséquent, la décision du préfet de rendre obligatoires les plateformes dématérialisées. Cette annulation implique que le préfet de la Seine-Saint-Denis mette en place des alternatives effectives aux téléservices.
A cette fin, le tribunal a donné un délai d’un mois au préfet de la Seine-Saint-Denis pour lui indiquer les solutions alternatives pouvant utilement être mises en œuvre au regard des moyens matériels et humains dont il dispose. Il a également demandé à la préfecture de la Seine-Saint-Denis d’apporter, dans le même délai, toute précision utile sur les modalités d’accueil et d’accompagnement prévues par l’ANEF, en l’occurrence les centres de contact citoyen et les points d’accès numériques, outils destinés à l’accueil et à l’accompagnement des étrangers.
Les réponses apportées par le préfet ont été jugées satisfaisantes et le tribunal a jugé, le 14 décembre 2022, qu’il n’y avait pas lieu de prononcer une injonction.
Jugement n° 2104333 du 14 décembre 2022 (lire le jugement en PDF)
Lire également Jugement n° 2104989 du 5 octobre 2023
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